Retraite de Ronnie
En vieillissant, il est plus difficile d’avoir des héros, mais c’est en quelque sorte nécessaire disait Ernest Hemingway.
Il faudrait plus d’une citation de Hemingway, ou tout autre référence littéraire, pour décrire même succinctement la vie et ce que nous a fait vivre Ronnie O’Sullivan véritable héros populaire, un fabuleux champion qui a éclaboussé de son talent toutes les tables de snooker sur lesquelles il a joué depuis qu’il est devenu professionnel en 1992.
La nouvelle de la retraite de O’Sullivan, un divorce dont il doit être noté que même sans avoir été confirmée comme définitive, a suscité de vives émotions et des grincements de dents parce que, comme Alex Higgins ‘Hurricane’ il y a trois décennies, l’homme est considéré comme une telle figure héroïque par tant de personnes, de tous les âges, de tous les milieux, pour sa capacité à créer une forme de magie autour du jeu. Son retrait prématuré sera pleuré par des millions d’individus, même si c’est seulement pour quelques mois.
Pour comprendre l’impact d’O’Sullivan, avec tout ce coté presque mystique, il suffit d’étudier les images de ces deux jours de finales d’ouverture du World Tennis Tour à Londres cette semaine.
Lors d’un match entre Novak Djokovic et Jo-Wilfried Tsonga, lundi soir, les producteurs de télévision ont estimé qu’il était intéressant de se concentrer sur O’Sullivan, qui regardait le match avec un certain intérêt, déplaçant ainsi l’intérêt du match vers le joueur de snooker. Nous ne savions pas que le lendemain Ronnie O’Sullivan allait annoncer son retrait de la compétition pour le reste de la saison en invoquant des «problèmes personnels».
Il était de retour dans les tribunes le mardi pour assister au match de Roger Fédérer. Ce match atteint un niveau d’excellence qui nous rappelle la finale de son quatrième Championnat du Monde contre Ali Carter début mai.
Le dilemme auquel fait face le snooker aujourd’hui dans son désir de créer un nouveau modèle, c’est que pendant trop longtemps, ce jeu a été basé sur un modèle économique défectueux élevant le joueur à un niveau aussi élevé que le sport lui même.
Que ce soit juste ou non, il reste évident que le problème majeur de O’Sullivan, au point d’en devenir une fêlure, reste son désir d’être considéré comme le plus grand joueur de tous les temps, un statut auquel certains pensent qu’il le mérite, en dépit du fait qu’il possède un déficit de trois titres mondiaux par rapport à son meilleur ennemi Stephen Hendry.
Lorsque Barry Hearn, le président de la World Snooker, s’est attaqué à l’élaboration d’un plan pour promouvoir le snooker, il s’est sans doute trop concentré sur les aspects financiers du jeu et les avantages qu’il pouvait en retirer sans prendre assez garde à l’aspect humain tellement cher à des joueurs comme Ronnie !
Ce n’est pas une fanfaronnade. Une illustration de l’effet O’Sullivan sur le snooker peut être mise en évidence en étudiant les chiffres d’audience pour le Championnat du Monde cette année sur Cover It Live, le réseau de plus en plus utilisé par différents médias, permettant aux fans d’interagir les uns avec les autres et de fournir des commentaires sur les événements en direct allant de manifestations sportives à des rassemblements politiques. Un extrait de ce qui a été publié :
« Aucun événement n’a été plus important que la couverture par Eurosport des Championnats du monde de snooker qui a mobilisé la première place dans la couverture hebdomadaire TV Live It dans le classement des réseaux sociaux. »
« Des masses de fans de snooker sont restés les yeux fixés sur leurs ordinateurs, tablettes et appareils mobiles la semaine dernière quand ils ont vu et discuté lors de la couverture en direct des Championnats du Monde par Eurosport. Eurosport a attiré plus de 400.000 spectateurs sur son chat en direct quand Ronnie O’Sullivan à gagné son quatrième titre mondial avec une victoire de 18-11 sur Ali Carter au Crucible Theatre de Sheffield. »
Ceci illustre de façon évidente la magie opérée lorsque Ronnie est à la table de snooker.
Eurosport a interrogé 406.208 visiteurs, la grande majorité intéressé par le fait de savoir si le jeu d’O’Sullivan, tiendrait les 17 jours. Non seulement il a tenu le coup, mais il a simplement tout ravagé sur son passage, avec une facilité déconcertante qui en devenait presque insultante pour ses adversaires.
Aujourd’hui il prend la décision de prendre sa retraite au sommet de son art. En privé, Barry Hearn va sûrement se lamenter de ne plus avoir O’Sullivan dans ses compétitions, même si publiquement il n’en laissera rien paraître.
O’Sullivan a remplacé Alex Higgins comme le « champion du peuple » quand il a pris le record de Hendry en gagnant le championnat britannique à l’âge de 17 ans en 1993. Il était alors apparu dans plusieurs journaux pour annoncer que son père était en prison pour meurtre.
Qui sait quel effet l’absence d’une figure paternelle a eu sur la formation de la personnalité de Ronnie O’Sullivan? Si O’Sullivan a souffert de dépression, il est probablement préférable qu’il prenne du bon temps loin du sport. Le cerveau est un instrument surprenant.
Souhaitons à Ronnie O’Sullivan bonne chance dans sa bataille contre tous les démons qui le tourmentent. Qu’on le veuille ou non, il restera à jamais comme une légende du snooker.