Ronnie : des hauts et des bas.
Ronnie : des hauts et des bas.
Ronnie est une véritable montagne russe, avec des hauts et des bas. Les hauts sont très hauts pour le plus grand plaisir des fans. Les bas sont très bas, trop bas.
La question se pose alors de savoir si Ronnie, malgré toute la reconnaissance et l’admiration qu’il suscite auprès de ses fans, peut représenter l’objectif à atteindre pour tout joueur de snooker ?
Ronnie 2013.
Déjà en 2013 lors des Championnats du Monde, qu’il avait d’ailleurs remporté contre Barry Hawkins par 18-12 en finale il nous avait gratifié de quelques surprises, évitant par exemple d’aller signer les autographes à ses jeunes supporters : « Où est Ronnie? » se demandaient les enfants à l’entrée de la salle de presse après sa victoire au second tour de ces Championnats du Monde de Snooker. Alors que répondre à ces jeunes supporters ? Difficile de leur dire que leur héros est dans la salle de presse, disant aux journalistes qu’il n’a pas envie de participer à ces Championnats du Monde, qu’il le fait parce qu’il a signé un contrat avec son sponsor, qu’il est là pour l’argent qui lui permettra de payer les études de ses enfants (avec 250 000£, il peut voir venir), qu’il est extrêmement fatigué après le second tour, et qu’il sortira par une porte dérobée pour éviter la foule et les autographes !
« Je suis un génie » : avait twitté Ronnie suite à cette victoire à ces derniers Championnats du monde de Snooker. « Je suis un docteur en Snooker et je suis un génie ». Ca nous fait penser à un certain footballeur, arrivé comme un roi, parti comme une légende !
Depuis Ronnie a plusieurs fois fait dans le grandiose, disant que le snooker manquait de piquant, souffrait d’une crise de personnalité et avait besoin de personnalité comme Tiger Woods l’a été en golf ou Cantona au football. Ces deux exemples sont d’ailleurs surprenants : Cantona comme Woods, génies dans leur discipline, ne sont pas véritablement des parangons pour leur sport !
« Le snooker a besoin de stars comme moi », avait dit modestement Ronnie O’ Sullivan après avoir remporté son cinquième titre mondial. « Chaque sport a besoin d’une étoile, et lorsque celle-ci disparaît, le sport perd de son intérêt. « Le snooker sans Ronnie, c’est comme une pizza sans sauce piquante » avait-il ajouté. « Si je partais, que deviendrait le snooker avec des joueurs « normaux » comme Hawkins battu en finale. Certains joueurs essaient de m’imiter, mais ce n’est pas naturel. Je suis un peu limite par moments, mais c’est vraiment moi. Je suis comme ça et je fais ça de façon naturelle. « . Toujours plein de modestie il avait poursuivi en disant que « À certains égards, je pense que c’est ce que les gens veulent de moi : me voir jouer, quel que soit le résultat. Je suppose que pendant ces 10 dernières années, j’ai été le joueur préféré des supporters, ce qui ne rend pas les choses plus faciles, mais qui est très motivant. ». Ces dires avaient alors attiré les commentaires dépités de la plupart des observateurs avertis.
La légende Steve Davis, 6 fois champion du monde, qui sait mesurer ses commentaires, avait alors estimé que O’ Sullivan avait été « irrespectueux » dans ces annonces.
Ronnie depuis 2013.
Sur les trois dernières saisons on a assisté au meilleur et au pire.
Le meilleur c’est Ronnie qui décide, juste après son titre de ne plus revenir au Crucible, car pour lui le snooker n’est qu’un jeu. Il y reviendra quand même l’année suivante et sera éliminé en finale par Mark Selby.
Ce sont aussi ses victoires aux UK Championship et au Welsh Open en 2014, aux Masters en 2014 et en 2016 (10-1 en finale contre Barry Hawkins, égalant le record de S. Hendry). C’est aussi sa collection de records : en 2015 il égale le nombre de centuries détenu par S. Hendry (776) durant les Championnats du Monde (où il sera éliminé au second tour par le futur vainqueur, Stuart Bingham).
Ce sont également ses magnifiques victoires lors des « Snooker Legends », émaillées de maximum break comme s’il en pleuvait.
C’est aussi le nombre fabuleux de records qu’il détient dont celui du nombre de 147 break en compétition (13 contre 11 pour S. Hendry).
C’est bien évidemment Ronnie élevé au rang de OBE (Officers of the Order of the British Empire) il y a quelques mois, pour services rendus au sport.
Malheureusement la liste du « pire » est infiniment plus longue !
Est-ce vraiment amusant de placer sa queue de billard entre ses jambes, d’une façon vulgaire et provocante, en demie finale d’un championnat du monde, ce qui lui a valu un avertissement de la part de l’arbitre Michaela Tabb.
Où est le fair-play dans le fait de déclarer forfait face à S. Hendry en quart de finale du Championnat du Royaume-Uni après 4 manches, énervé par le fait d’avoir raté une bille rouge assez facile ? (amende de 20 000£ et 900 points retirés au classement mondial).
Est-ce digne d’un grand joueur de refuser la conférence de presse d’après-match, après un match contre Alister Carter sur un score de 6-1, réitéré cette année au Crucible après son premier match ?
Peut-on admirer le joueur qui, après avoir perdu un match contre Marco Fu, fait des remarques obscènes lors de la conférence de presse d’après-match, invitant un membre de la presse à lui faire une fellation, se moquant du porte-parole de la World Association et plaisantant sur la taille de son pénis, avant de simuler un acte sexuel au micro ? (retrait de 700 points de classement et des 2 750 £ qu’il a remportés lors de cet open, plus une amende de 1000 £.)
En Janvier 2014, il écope de plusieurs amendes pour avoir posté des messages sur son compte Tweeter : allégations de matches truqués, suggestion qu’il avait utilisé des drogues améliorant la performance, commentaires « abusifs, insultants et irrespectueux » envers l’arbitre Jan Verhaas lorsque ce dernier lui demanda de rentrer sa chemise dans son pantalon (Ronnie avait alors déclaré qu’il ne se sentait pas bien ce jour-là et que le lieu était trop chaud).
Lors des Championnats du Monde de snooker 2015, s’est permis de jouer en chaussettes, lors d’un match qualificatif contre Craig Steadman après avoir fait semblant d’être mal à l’aise dans ses chaussures. Il a justifié ce comportement par le fait d’avoir subi une fracture de la cheville vers la fin de l’année précédente. Il a ensuite emprunté une paire de chaussures au directeur du tournoi Mike Ganley.
Lors d’un autre match de ce Championnat du Monde, Ronnie a critiqué le niveau de l’arbitrage : lors du match qui l’opposait au futur Champion du Monde Stuart Bingham, « Il n’y a rien de pire qu’un arbitre qui se déplace, ayant pour effet de casser votre rythme. ».
Après plusieurs comportements jugés très limites il en est arrivé à claquer sa queue de billard sur le snooker lors de son match au second tour contre Matthew Stevens.
Lors de ce fameux match contre Bingham il s’est même permis de poser la craie sur le snooker, ce qui est formellement interdit (la craie peut aider le joueur à mesurer l’alignement des billes et avoir une meilleure visibilité de la position de celles-ci). Il a évidemment tenté de se justifier en disant que c’était moins grave que s’il l’avait fait pendant que les billes étaient en mouvement). Et comme ça ne suffisait pas, il s’en est pris à l’arbitre qui, d’après lui ne connaitrait pas ou mal, les règles.
Que dire enfin de Ronnie ne souhaitant pas terminer un 147 (il restait seulement la noire à rentrer !) car la dotation était trop faible (10 000 £) : où est le respect du jeu, de l’adversaire, mais surtout du public qui a payé très cher sa place ?
Est-ce le début de la fin de ce joueur de génie ?
Sept fois Champion du Monde, Stephen Hendry estime, à juste titre, que le snooker serait plus triste sans la présence de Ronnie O’Sullivan. Stephen tente d’expliquer que ce comportement de Ronnie est surtout dû à un manque de concentration.
Le problème pour lui est qu’il semble avoir des difficultés à se concentrer sur la durée. Ronnie en est conscient à un point tel qu’il se bat depuis plusieurs années pour que la durée des Championnats du Monde soit raccourcie à une semaine : On a effectivement vu à diverses reprises que sur une semaine Ronnie est presque imbattable, ses résultats le confirment encore cette année. Il a également, lors de ces Championnats du Monde, une énorme pression : personnelle d’abord, car il donnerait tous ses titres et ses victoires pour égaler le seul record qui compte : les 7 titres de Champion du Monde de Hendry. Au niveau de ses fans ensuite car son capital sympathie est tel qu’il est difficile de concevoir que Ronnie puisse perdre, ce qui lui met une pression énorme, presque insupportable.
Il se plaint également du nombre de tournois trop élevés dans le circuit officiel : Il faut noter que Ronnie est devenu Champion du Monde en 2013, après une année pendant laquelle il n’avait participé qu’à de rares compétitions, conservant toute son énergie pour ce moment crucial.
Mais on ne peut pas changer les règles : le mondial se joue avec 32 joueurs sur deux tables et ne peut durer moins de 15 jours. Ce problème de constance de Ronnie est très visible en regardant seulement les titres de Champions du Monde : Stephen Hendry a gagné 5 de ses 7 titres lors de 5 années consécutives, quand Ronnie n’a jamais pu enchaîner plus de deux titres consécutifs : CQFD.
N’est-ce pas une caractéristique des génies que d’avoir en eux un grain de folie ? Ronnie est certainement génial, le joueur le plus rapide de tous les temps (147 en 5 minutes 20 secondes !), avec un excellent sens du replacement de la bille, le seul joueur au monde à être réellement ambidextre et capable, alors qu’il est droitier, de faire un century de la main gauche, détenant ou partageant avec S. Hendry nombre de titres ou de records. Mais quid de l’individu, du comportement non pas de l’homme en dehors du billard (qui ne regarde que lui) mais de son comportement devant la table ?
Oui Ronnie, chaque sport a besoin de génie, c’est incontestable. Mais il convient aussi que ce génie soit admirable, au sens étymologique du terme (qui puisse être admiré), et pas seulement un individu qui, parce qu’il a un don exceptionnel, peut se permettre de faire tout et n’importe quoi : le respect est à ce prix.
Dans la catégorie des joueurs « admirables » le snooker en compte deux incontestables : Steve Davis et Stephen Hendry. Admirables car détenteur respectivement de 6 et 7 titres mondiaux. Admirables car le premier a ouvert une ère nouvelle au snooker dans les années 80, le second parce qu’il a dominé de la tête et des épaules tous ses adversaires dans les années 90. Admirables car ce sont des exemples dans lesquels tout joueur peut se reconnaître et suivre le chemin : peut-on, en décortiquant ces deux longues carrières, trouver un seul écart du type de ceux auxquels nous a habitué ?
La liste de ses frasques est longue et le but n’est pas ici d’en faire une liste exhaustive. Ronnie est Mc Enroe ou Cantona. Hendry et Davis sont Fédérer. Choisis ton idole !